Ecrire un quatuor à cordes n’est jamais chose facile, tant l’héritage historique du genre est important et jalonné de chef d’œuvres. Après de longues hésitations je me suis « attaqué » au genre, sans une certaine appréhension. Ce deuxième quatuor à cordes fût composé entre le 10 et le 31 mars 2010.
J’ai toujours été fasciné par la poésie et cette concision du genre. Comment en quelques mots, créer un sens et provoquer le voyage chez le lecteur. Je suis donc parti sur l’idée d’une œuvre brève (d’une dizaine de minutes) dans laquelle l’auditeur lui aussi, serait amené à voyager. Le principe d’une « variation » me semblait donc appropriée.
Je suis parti de cette idée très simple en essayant d’utiliser un matériel thématique clairement identifiable : un accord (répété dès les premières mesures), un rythme en double croches (qui vient s’immiscer et en perturber la structure) et un motif mélodique très court. J’ai cherché à voir jusqu’où je pourrais aller avec ces quelques éléments, dans ma conception de la variation, mais en gardant à l’esprit l’idée du jeu. Après en avoir terminé l’écriture, je me suis aperçu qu’invariablement, je revenais au point de départ : mon accord. Il structure les différentes parties comme un élément familier que l’auditeur s’approprie au fil de la pièce. Ce retour de l’élément harmonique, donnera son titre à ce deuxième quatuor : Loops. Cette « boucle » n’est pas conçue comme un élément répétitif (contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre), mais bien comme un élément récurent qui emmène l’auditeur sur un chemin familier.
Mais au delà ce cette première explication la conception de ce 2ème quatuor à cordes a été pour moi un défi tout autre. Rendre hommage en une seul et même œuvre à trois compositeurs et trois quatuors à cordes de styles et d’univers différents que j’affectionne tout particulièrement et qui, pour moi, sont les points de départ d’une nouvelle musique d’aujourd’hui : le 3ème quatuor à cordes d’Alfred Schnittke, les « Scènes de bal » de Thierry Escaich et le 2ème quatuor à cordes de Régis Campo.
Comment arriver (sans en pasticher aucun) à synthétiser certains traits stylistiques et esthétiques de chacune de ces œuvres (et de chacun de leurs auteurs) et à les faire cohabiter dans une seule et même œuvre dans une structure cohérente ? Comment arriver à « citer » certains traits musicaux caractéristiques sans en plagier aucun et leur rendre hommage avec humilité dans une œuvre originale ?
J’ai donc cherché à réaliser la synthèse de trois styles, de trois individualités musicales singulières en une œuvre qui va indirectement rendre hommage à ces trois grands compositeurs de notre temps (en toute humilité bien sûr).
Loops, s’inscrit aussi dans une esthétique de codage propre à mon travail où le jeu de piste musical s’inscrit en jalon de beaucoup de mes œuvres (comme ce fût le cas par exemple de la signature mélodique ré harmonisée de How slow the wind de Toru Takemitsu dans L’enfance d’un jour, ou les musiques de cirques dans Circus Maximus).
Loops est dédié au Quatuor Sendrez (anciennement Quatuor Kaïros)
Florent GAUTHIER – 04 Octobre 2011
